sfpostpartum2 Des recommandations pour la pratique clinique (RPC), pour la période du post-partum, rédigées par le Collège National de gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) ont été  publiées il y a quelques semaines.

Celles-ci font l’objet d’un texte court accessible sur le site du CNGOF. Comment doit-on interpréter ces RPC ?

La publication de ce document est l’occasion de rappeler qu’il existe peu de preuves scientifiques pour  un certain nombre de traitements ou d’interventions proposées aux femmes pendant la période du post partum. En effet, la plupart des recommandations qui y sont inscrites sont basées sur avis d’experts (accord professionnel) ou des études avec faible niveau de preuve (grade C).

 

C’est par exemple le cas concernant les conclusions suivantes :

  • Il n’existe pas d’argument scientifique pour recommander des mesures non pharmacologiques pour l’inhibition de la lactation (accord professionnel).
  • Les traitements pharmacologiques de l’inhibition de la lactation ne doivent pas être prescrits de façon systématique aux femmes qui ne souhaitent pas allaiter (accord professionnel). La bromocriptine n’a plus sa place dans l’inhibition de la lactation en raison des effets secondaires potentiellement graves (accord professionnel). Pour les femmes informées des risques, qui souhaitent cependant un traitement pharmacologique de l’inhibition de la lactation, le lisuride et la cabergoline sont les médicaments à privilégier (accord professionnel).
  • Il est recommandé de débuter une contraception efficace au plus tard 21 jours après l’accouchement chez les femmes ne souhaitant pas de grossesse rapprochée (grade B), et de la prescrire à la sortie de la maternité́ (accord professionnel).
  • La rééducation périnéale chez les femmes asymptomatiques à 3 mois n’est pas recommandée (accord professionnel). Elle est recommandée pour traiter une incontinence urinaire persistant à 3 mois du post-partum (grade A), quel que soit le type d’incontinence. La rééducation périnéale du post-partum est recommandée pour traiter une incontinence anale du post-partum (grade C). La rééducation périnéale du post-partum n’est pas recommandée pour traiter ou prévenir un prolapsus (grade C) ou des dyspareunies (grade C).
  • La consultation postnatale est recommandée et est à réaliser dans les 6 à 8 semaines qui suivent l’accouchement (accord professionnel). La stratégie contraceptive en post-partum immédiat (dans les 6 semaines) est la même que la femme allaite ou non (accord professionnel).
  • Il est recommandé de débuter une contraception efficace au plus tard 21 jours après l’accouchement chez les femmes ne souhaitant pas de grossesse rapprochée (grade B), et de la prescrire à la sortie de la maternité́ (accord professionnel). Compte tenu de l’augmentation du risque thromboembolique veineux après l’accouchement, il est recommandé de ne pas utiliser une contraception estroprogestative avant 6 semaines en post-partum (grade B).
  • La durée optimale de séjour à la maternité́ pour le nouveau-né́ est fonction de l’organisation à la sortie, du suivi médical et de l’accompagnement ultérieur (accord professionnel).

En 2010, l’accord d’experts a été précisé, par la HAS, lors de l’actualisation des méthodes d’élaboration des recommandations de bonne pratique (Page 7).  

L’accord d’experts correspond, en l’absence de données scientifiques disponibles, à l’approbation d’au moins 80 % des membres du groupe de travail.

Ainsi lorsque qu’un groupe de travail, composé de 11 acteurs de santé dont 10 médecins spécialistes,  se réunit pour émettre des recommandations, et qu’il n’existe pas de faits (preuves) scientifique pour conclure à l’avantage d’une intervention « A », le groupe de travail peut émettre la  recommandation  « L’intervention « A » n’est pas recommandée (accord professionnel) » si au moins 9 participants au groupe (80% de 11 personnes = 8,8) sont en accord avec cette recommandation.

En l’absence de preuves scientifiques de haut grade, à la suite d’une grossesse ou d’un accouchement normal, il est important que la sage-femme base sa pratique sur les nombreuses recherches en maïeutique, réalisées pour évaluer les  besoins des femmes et leurs souhaits pour elles-mêmes et leurs nouveau-nés, à savoir être en bonne santé, en sécurité, se sentir soutenue et respectée. La satisfaction de ces aspirations et besoins est un élément essentiel du droit de toute personne à jouir du meilleur état de santé possible.

sfpostpartum1En l’absence de données scientifiques résultant d’études fiables, afin d’aboutir à une prise en charge adaptée au problème clinique des femmes, une pratique sage-femme qui vise à  fournir la meilleure qualité de soins donnée et d’améliorer la santé des femmes, doit s’appuyer sur le concept de l’Evidence Based Medicine/Midwifery. Cela implique  de prendre en compte l’expertise de la sage-femme et les points de vue et l’expérience des femmes elles-mêmes. Le respect de l’individualité, le choix et l’avis des femmes sont alors des éléments qui  priment dans tous les actes ou interventions réalisées ou proposées aux femmes en bonne santé, dans la période du post partum.

Dans ce contexte, les connaissances pourraient s’appuyer sur les guidelines rédigées par le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence), équivalent de la HAS (Haute Autorité de Santé). Ce dernier publie régulièrement des recommandations, dont celles sur la période antépartum, perpartum ou postpartum.  Le NICE est unique comme organisme gouvernemental chargé d’établir les guides cliniques officiels d’un système public de santé sur la base de critères d’efficacité́ clinique et de coût- efficacité́. Les recommandations sont issues des délibérations de comités indépendants composés de patients/usagers, de cliniciens, de scientifiques et de gestionnaires du système de santé. Tous ont l’obligation de faire une « déclaration d’intérêt ».

Pour en savoir plus

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-06/etat_des_lieux_niveau_preuve_gradation.pdf

http://www.nice.org.uk/guidance/cg37/resources/postnatal-care-up-to-8-weeks-after-birth-975391596997

http://www.cngof.fr/pratiques-cliniques/recommandations-pour-la-pratique-clinique/apercu?path=RPC%2BCOLLEGE%252F2015-RPC-POSTPARTUM.pdf&i=2176

 

 

Dans de nombreux pays étrangers (Royaume Uni, Suède, Pays Bas, Suisse, Belgique, Canada, Australie, Japon, Chine, Etats Unis et  bien d’autres pays encore), la maïeutique est enseignée comme une science (midwifery),  des sages-femmes accèdent à un cursus doctoral et mènent des recherches en maïeutique (midwifery research)  puis  sont habilitées à diriger des recherches dans leur champ disciplinaire. En France, la maïeutique n’apparaît pas dans le champ de l’enseignement académique français et la recherche en maïeutique est inexistante. Le retard des sages-femmes françaises dans ce domaine est indiscutable à l’échelle nationale et internationale.
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