Dans ce numéro spécial du Lancet, dédié à la santé maternelle, publié en septembre 2016, un article est consacré à la santé maternelle dans les pays aux ressources élevées.

La première partie s’attache à décrire les différents lieux y compris leur domicile où, selon les pays, les femmes peuvent donner naissance. Il s’agit de salle des naissances dans un hôpital, de centres de naissance situés dans ou en dehors de l’hôpital et d’espaces de naissances dirigés uniquement par des sages-femmes (hospital or free-standing birthing centre, hospital-sited midwifery-led birthing unit).

Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), équivalent de la Haute Autorité de Santé en France, recommande de donner aux femmes à faible risque de complications la possibilité d’accoucher dans n’importe lequel de ces lieux. Il ajoute que l’accouchement à domicile doit être considéré comme une option possible respectant la sécurité même s’il existe un sur-risque de complications pour le nouveau-né lorsque la femme est nullipare comparé à une naissance dans une unité de soin gérée par le sages-femmes.

Plusieurs éléments se dégagent de l’article. 

  • La poursuite d’actions en faveur d’une prise en charge de la grossesse et de l’accouchement moins interventionniste, davantage centrée sur la femme

Les auteurs recommandent, dans les pays à hauts revenus, la poursuite des actions en faveur d’une prise en charge de la grossesse et de l’accouchement moins médicalisée, davantage centrée sur la femme.

Dorothy Shaw et une équipe de chercheurs ont étudié les modèles de prise en charge des femmes enceintes dans 14 pays à revenus élevés, dont la France et ont identifié un certain nombre de pistes d’améliorations. Ils ont notamment détaillé deux cas d’étude: les États-Unis et la Suède.

S ‘appuyant sur le message « Chaque femme, chaque nouveau-né, où qu’ils soient, ont le droit à des soins de bonne qualité », les auteurs prônent l’exploration et l’évaluation de différents modèles de prise en charge des femmes enceintes.

Ces modèles ont largement été décrits dans une autre revue, également mondialement connue des médecins et des sages-femmes[1].

  • Trois modèles se distinguent.
  1. Pour le premier modèle, la prise en charge périnatale est essentiellement assurée par les obstétriciens ou un autre médecin (medical-led models of care).
  2. Le deuxième modèle est un modèle de prise en charge partagée entre plusieurs professionnels de santé (shared-care models).
  3. Le troisième repose sur une prise en charge uniquement par des sages-femmes (midwife-led care) lorsque la grossesse et l’accouchement se déroule sans risques identifiés. Pour ce modèle, la surveillance de la grossesse et la pratique de l’accouchement se déroulent soit dans des unités accolées ou non aux maternités hospitalières et dédiées aux grossesses à bas risque, soit à domicile. En cas de survenue d’une complication pendant la grossesse ou l’accouchement (hémorragie liée à un placenta prævia, hypertension artérielle, rupture prématurée des membranes ou travail prématuré, par exemple), la sage-femme adresse la femme à un obstétricien.

Aux États Unis, le modèle « Medical–led care » domine alors qu’en Suède, le modèle adopté et reconnu est le modèle « Midwife model of care ». L’analyse de la prise en charge périnatale de ces deux pays (États-Unis et Suède) a été examinée dans l’article de la série. Elle a conduit les chercheurs à émettre la recommandation suivante :

  • -toutes femmes devraient se voir proposer une prise en charge respectant le processus physiologique du travail en toute sécurité, avec le plus faible niveau d’intervention possible, afin de réduire la surmédicalisation et favoriser une prise en charge centrée sur elle.

Les chercheurs constatent que les pays qui ont à la fois les plus faibles taux d’interventions, les meilleurs résultats en termes de santé périnatale, et les plus bas coûts sont ceux qui ont intégré les soins réalisés par les sages-femmes à travers différents modèles.

Pour évaluer les différents modèles de prise en charge et le coût d’un accouchement par voie basse ou par césarienne, les auteurs ont comparé les taux d’interventions associées aux différents modèles de prise en charge ainsi que le coût d’un accouchement par voie basse ou par césarienne, entre 14 pays à revenus élevés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) selon ces pays (cf annexe).

Les chiffres indiquent qu’aux États-Unis, le coût d’une naissance est disproportionnée par rapport aux autres pays où la prise en charge est partagée entre sages-femmes et obstétriciens, 10.232 dollars pour une naissance par voie basse et 15.591 dollars pour une césarienne versus2.741 dollars pour une naissance par voie basse et 4.604 dollarspour une césarienne, au Royaume Uni par exemple.

Les coûts les plus faibles sont observés en Norvège (1.434 dollars) pour les naissances par voie basse et en Espagne pour les césariennes (2.909 dollars).

En France, les coûts s’élèvent respectivement à 3.676 dollars et 6.686 dollars.

Les auteurs ont examiné également la tendance concernant la fermeture des petites maternités, obligeant les femmes à parcourir de plus longues distances pour accoucher, ces 20 dernières années dans les pays à revenus élevés. Les hôpitaux les plus petits ont les taux d’interventions obstétricales les plus bas et les meilleurs résultats néonatals chez les femmes à faible risque.

Concernant les résultats en termes de santé néonatale, les résultats divergent. Une étude canadienne a montré que la distance pour accéder à une maternité d’un grand hôpital est associée à des résultats périnatals délétères pour l’enfant, tandis que deux études, l’une allemande et l’autre norvégienne, ont montré que les petites maternités présentaient des taux de décès néonatal plus élevés.

Ainsi la question des décès néonatals ainsi que celle permettant d’identifier comment les soins maternels pour des femmes présentant une grossesse à bas risque peuvent être prodigués de façon sûre et acceptable dans les zones rurales, restent à éclaircir par d’autres recherches.

Selon les auteurs, l’influence des intervenants (médecin de famille, généraliste, sage-femme, obstétricien) et leur articulation sur le parcours de soin est un des facteurs associé à la qualité des soins

Pour réduire les interventions dans les pays à revenus élevés, les auteurs évoquent les leviers de changement :

  • L’amélioration de la compréhension des facteurs de risque potentiellement modifiables
  • L’identification des moyens pour prendre en charge les femmes présentant ces facteurs de risque : mesures éducatives, recommandations professionnelles, stratégies de santé, initiatives pour l’amélioration de la qualité des soins
  • Une meilleure utilisation des données disponibles pour renseigner les stratégies de santé et les pratiques.
  • La mise en place de systèmes de surveillance des décès maternels puissants, permettant l’identification précise des causes du décès et les critères s’ils étaient évitables pour les pays qui n’en disposent pas (en France un tel registre existe depuis 1998)
  • Le développement du concept des recommandations professionnelles (les auteurs citent l’exemple français des recommandations nationales particulièrement bien suivies pour le dépistage prénatal des aneuploïdies et qui ont permis la réduction du nombre d’amniocentèses).
  • Le développement de la télémédecine, notamment pour les femmes isolées d’un point de vue géographique et la conduite d’ essais randomisés pour évaluer les initiatives d’e-santé visant à améliorer l’accès aux soins, la prise en charge centrée sur la patiente, et l’issue de la grossesse.

Les modèles de prise en charge de la maternité dans les pays à revenus élevés sont en train de changer. Un déterminant essentiel au progrès et à la production de meilleurs résultats est la capacité à passer d’une perception que toute grossesse est à risque à priori à une perception selon laquelle la naissance est un processus naturel avec la mise à disposition de service de soins en cas de survenue de complications.

Selon les auteurs, les différents modèles de prise en charge fournis par les prestataires de soins doivent continuer à être explorés et évalués, en termes de capacité à répondre aux besoins des femmes et également en termes de réduction des interventions et des coûts, tout en améliorant les résultats. Les femmes doivent être impliquées dans le processus.

Toujours selon les auteurs, « avec les « évidences scientifiques » et les recommandations qui évoluent en faveur de la programmation des accouchements à domicile ou dans des maisons de naissance pour les femmes à bas risque, une focalisation sur la prise en charge centrée sur la patiente par les organismes d’accréditation, et la réapparition d’une prise en charge coordonnée par les sages-femmes dans les pays à revenus élevés où ces professionnelles avaient disparu ou fortement diminué, la prise en charge de la naissance orientée sur les interventions est probablement à un tournant ».

[1] Lire Cochrane Midwife-led versus other models of care for childbearing women (Hatem et al, 2008) et

[1] Lire Cochrane Midwife-led versus other models of care for childbearing women (Hatem et al, 2008)

Maternal Health (La contribution de la formation dans le champ de la périnatalité et de la santé génésique – Cnema 2016 présentation au Conseil National de l’Ordre des Sages-femmes)

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